POLITIQUE – Cachez ces dossiers qui ne sauraient fâcher. Depuis que la campagne des élections européennes s’est accélérée, Emmanuel Macron et le camp présidentiel s’attachent à placer l’Ukraine et les enjeux de défense au centre des débats. Reçue par Volodymyr Zelensky à Kiev fin mars, Valérie Hayer a confirmé « faire le maximum » pour imposer le sujet comme la priorité de la campagne.
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En face, les oppositions ne l’entendent pas de cette oreille. Pour ne pas se faire enfermer dans un débat qui a tout pour tourner à l’avantage du président de la République, comme ce fut le cas lors de la dernière présidentielle, chaque camp tente de pousser ses dossiers de prédilection.
La droite embraye sur le dérapage budgétaire et l’immigration. La gauche essaie, elle, de mettre le libre-échange à l’ordre du jour pour mieux le dénoncer. Autant de thèmes potentiellement délicats pour le gouvernement… qui cherche par tous les moyens à leur faire obstacle avant le 9 juin.
Pas de nouveau budget avant l’été
C’est en tout cas particulièrement visible à propos du sujet le plus épineux du moment, la dette. Alors que la question d’un budget rectificatif se fait de plus en plus pressante depuis l’officialisation du dérapage du déficit public à 5,5 % en 2023, l’exécutif ne veut pas en entendre parler pour l’instant.
Après les 10 milliards d’économies actées par décret début janvier, le gouvernement n’a pourtant guère d’autres choix immédiats pour réduire encore les dépenses, ou augmenter les impôts cette année, ce qui n’est jamais idéal en période d’élections. En ce sens, plusieurs voix réclament un débat à l’Assemblée, d’Éric Coquerel à gauche, à Éric Ciotti à droite, en passant par Bertrand Pancher, qui préside le groupe Liot (Liberté et territoires).
Mais l’exécutif, qui a recouru 23 fois à l’arme du 49.3 pour faire passer ses budgets depuis la réélection d’Emmanuel Macron, sait qu’il s’exposerait cette fois-ci à un risque de censure. « La motion passera un jour et ce jour n’est peut-être pas aussi lointain qu’on ne le pense. Sur les problèmes budgétaires, les LR sont unis », assure ainsi le député Liot Charles de Courson dans Le Monde, à l’heure ou Éric Ciotti et ses troupes font à nouveau planer la menace d’une censure.
Raison de plus pour temporiser du côté de Matignon. Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a évoqué dès février un projet de loi « à l’été. » Donc, après les élections européennes. Et encore, seulement « si cela s’avérait nécessaire », d’après sa collègue Marie Lebec, chargée des Relations avec le Parlement.
CETA évité ?
À gauche, le mauvais coup vient des communistes. En reprenant dans sa « niche » au Sénat – un moment réservé pendant lequel les groupes imposent leur ordre du jour – un projet de loi en déshérence, le PCF a infligé un revers aussi inattendu que retentissant à l’exécutif concernant le libre-échange.
Gauche et droite se sont effectivement alliées à la chambre haute pour rejeter le Ceta, traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, un texte controversé, dont la ratification est désormais en suspens.
Dans ce contexte, les députés communistes ont aussitôt annoncé leur intention de reprendre le texte dans leur propre « niche » à l’Assemblée le 30 mai. Avec des chances de transformer l’essai, à seulement dix jours du scrutin européen. Un scénario redouté par le gouvernement qui a déjà toutes les peines du monde à assumer ses votes en faveur des traités de libre-échange, notamment dans le sillage d’une crise agricole explosive.
C’est là que vient la parade. Le gouvernement a déjà confirmé son intention de suspendre la « navette » parlementaire pour retarder le vote au Palais Bourbon. « Le projet de loi sera transmis le moment venu, mais pas avant les élections européennes », a d’ailleurs assuré le ministre du Commerce extérieur, Franck Riester, confirmant la crainte de l’exécutif de voir se tenir un tel débat à quelques encablures du vote pour Bruxelles.
Qu’à cela ne tienne, le patron des députés communistes André Chassaigne a bien l’intention de faire débattre du CETA dès le 30 mai, en déposant « un autre texte d’initiative parlementaire » sur le sujet. De quoi laisser entrevoir des échanges délicats pour le gouvernement.
Quand Attal tente de torpiller une idée LR
Enfin, parmi les enjeux potentiellement fâcheux pour Emmanuel Macron et son camp, figure l’immigration. Frustrés par la large censure de la loi qu’ils ont inspirée l’hiver dernier, Éric Ciotti et ses troupes ont dégainé un référendum d’initiative partagée (RIP). Il reprend quelques mesures ciblant les aides sociales versées aux étrangers qui avaient été retoquées par le Conseil constitutionnel au motif qu’elles étaient hors sujet.
Après avoir recueilli sans difficulté 190 signatures de parlementaires – seule une poignée manquait à l’appel, dont le président du Sénat Gérard Larcher – la droite attend le verdict du Conseil constitutionnel, qui rendra sa décision le 11 avril.
Un feu vert changerait la donne à deux mois des européennes, avec le lancement de la course aux 5 millions de signatures en pleine campagne électorale. L’occasion pour LR de reprendre la main sur l’agenda, de se replacer au centre du jeu politique, et de pilonner le gouvernement sur ce qu’il estime être l’un de ses points faibles.
Il n’est donc pas anodin de voir le Premier ministre tenter de convaincre les Sages de ne pas donner suite à la demande des Républicains. Dans une note adressée au conseil constitutionnel fin mars (et relayée par l’AFP), Gabriel Attal estime effectivement que le texte proposé porte sur « les conditions de séjour des étrangers » et « l’aménagement du territoire » et ne peut donc faire l’objet d’un référendum. Habile(s).
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